La Cour de Justice de l’Union Européenne s’est prononcée sur le délai de révision applicable aux travaux immobiliers qui redonnent à un bâtiment son caractère « neuf ».
En principe, le délai de révision pour les biens d’investissement est de 5 ans. Toutefois, pour les biens d’investissement immobiliers, le délai de révision est porté à 15 ans, voire 25 ans si l’immeuble en question est mis en location avec option pour la soumission des loyers à la TVA.
Dans l’affaire soumise à la Cour, l’assujetti en cause (un cabinet d’avocats) avait fait réaliser d’importants travaux immobiliers au sein d’un immeuble utilisé partiellement en tant qu’habitation privée, et partiellement aux fins de la réalisation de l’activité économique d’avocat.
Les travaux se sont déroulés entre les années 2007 et 2015. Il convient de noter que jusqu’au 31 décembre 2013, les prestations des avocats étaient exemptées de la TVA, ce qui impliquait qu’ils ne bénéficiaient d’aucun droit à déduction de la TVA acquittée en amont.
Toutefois, au 1er janvier 2014, les avocats devenaient des assujettis ordinaires en raison de la suppression de l’exemption de TVA leur étant applicable. Ceci impliquait la possibilité de bénéficier d’un droit à déduction, devant le cas échéant être exercé par le biais du mécanisme de la révision.
L’assujetti en question avait fait application du délai de révision de 15 ans (révision de la TVA en 15èmes) en raison de l’importance des travaux, qui devaient être considérés comme concourant à l’érection d’un bâtiment neuf (« travaux de construction ») ; le fisc soutenait qu’en réalité les travaux constituaient une rénovation importante à laquelle s’appliquait le délai de révision 5 ans, et non des travaux de « construction ».
Selon la Cour, le droit à déduction est un mécanisme fondamental de la TVA, qui vise à soulager entièrement l’entrepreneur du poids économique de la TVA ; le mécanisme de la révision sert à accroitre la précision du droit à déduction, spécifiquement lorsque des biens d’investissement sont destinés à être utilisés sur une longue période durant laquelle leur affectation peut changer.
En l’occurrence la Belgique a fait usage de la possibilité d’assimiler des prestations de services à des biens d’investissement, tel que le lui permettait l’article 190 de la Directive TVA.
Tout ceci constitue en définitive une application du principe de neutralité fiscale, qui vise non seulement à garantir la neutralité de la charge fiscale à tous les assujettis, mais également à traiter de manière équivalente des opérations présentant des caractéristiques similaires. Dès lors, lorsque des travaux de rénovation/d’agrandissement sont réalisés, et qu’ils sont d’une importance telle que leurs effets ont une durée de vie économique équivalente à celle d’un bâtiment neuf, il y a lieu d’appliquer le délai de révision de 15 ans.
En d’autres termes, lorsque des travaux concourent à l’érection d’un bâtiment neuf, le délai de 15 ans est automatiquement applicable.
Un assujetti peut-il directement se prévaloir de l’article 190 de la Directive TVA ? La Cour répond en ces termes :
« L’article 190 de la Directive 2006/112, lu en combinaison avec l’article 187 de cette directive et à la lumière du principe de neutralité fiscale doit être interprété en ce sens qu’il est doté d’un effet direct de telle sorte que l’assujetti puisse l’invoquer devant le juge national à l’encontre de l’autorité fiscale compétente afin de voir appliquer aux travaux immobiliers qui ont été effectués en sa faveur, soumis à la TVA en tant que prestations de services au sens de ladite directive, la période de régularisation prolongée fixée pour les biens d’investissement immobiliers, dans l’hypothèse où cette autorité a refusé d’appliquer la période de régularisation prolongée en s’appuyant sur une réglementation nationale telle que celle visée par la première question ».
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Cabinet d’avocats Aurélie Soldai – Experts en TVA
Avocats au Barreau du Brabant Wallon
Source : CJUE, affaire n°C-243/23, Drebers, 12 septembre 2024.