Il n’est un secret pour personne que, malgré les nombreuses déclarations de bonnes intentions de nos gouvernants, la charge administrative supportée par les petites et moyennes entreprises (« PME’s ») est toujours plus importante, a fortiori lorsque ces PME’s tentent d’exercer une activité internationale au sein de l’Union Européenne.
Il n’en reste pas moins que, si aucune initiative d’envergure suffisante n’a vu le jour, certains dirigeants pointent la problématique et semblent appeler à un réel effort.
Ainsi, Carles Puigdemont, ayant mis de côté l’indépendance catalane, a interpellé la Commission européenne en pointant du doigt « les restrictions qui rendent l’accès au marché des autres États membres extrêmement difficile ».
Sont notamment pointées du doigt (nous citons) :
- L’obligation de constituer l’entreprise en tant qu’entité espagnole, néerlandaise ou belge, par exemple ;
- La nécessité d’obtenir un numéro de TVA dans cet État membre ; la nécessité de s’enregistrer dans le système d’échange d’informations sur la TVA afin de se conformer à la législation de l’UE et des États membres en matière de TVA ;
- Des procédures et des taux de TVA différents ;
- Les autorisations et/ou licences requises pour accéder à un marché différent de celui de l’État membre de constitution ;
- Des pratiques contractuelles et/ou juridiques différentes d’un État membre à l’autre ;
- Des règles de service différentes d’un État membre à l’autre ; des procédures d’essai, de certification ou d’approbation ;
- Des dispositions coûteuses pour les transactions transfrontalières, parmi bien d’autres choses.
Sur cette base, C. Puigdemont pose les questions suivantes :
- La Commission proposera-t-elle un code juridique paneuropéen pour la constitution des sociétés, en particulier pour aider les PME ?
- Proposera-t-elle une réforme législative visant à établir une déclaration de TVA normalisée à l’échelle de l’UE ?
La réponse apportée par la Commission européenne fut, en substance, la suivante :
- La réduction de la charge administrative supportée par les PME’s « est et restera une priorité absolue pour la Commission » ;
- Le régime OSS union, permettant aux assujettis d’introduire une seule déclaration à la TVA pour verser dans leur État membre d’établissement la TVA sur toutes leurs ventes transfrontalières, est entré en vigueur le 1er juillet 2021 ;
- La Commission a adopté la proposition relative au projet ViDA (VAT in The Digital Age), pour encore réduire les charges administratives à supporter par les PME’s en leur permettant d’obtenir un numéro de TVA unique au sein de l’Union ;
- À partir du 1er janvier 2025, les assujettis qui conduisent des activités transfrontières pourront, si certaines conditions sont réunies, bénéficier du régime de la franchise de la TVA et devront en conséquence supporter des obligations moins importantes que sous le régime normal ;
- La Commission a adopté une proposition de « système d’imposition au siège », c’est-à-dire que les PME’s exerçant des activités transfrontières par le biais d’un établissement stable, de n’interagir qu’avec l’administration fiscale de l’État membre où se trouve le siège social ;
- Et enfin :
- Les résultats fiscaux de leurs établissements permanents seront calculés conformément aux règles de l’impôt sur les sociétés de leur État membre d’origine. Il s’agit d’une étape importante dans la simplification des règles de conformité fiscale pour les PME en phase initiale d’expansion.
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- Enfin, les directives sur le droit des sociétés prévoyant des procédures en ligne et des opérations transfrontalières, ainsi que la prochaine directive sur la modernisation du droit des sociétés numériques, devraient permettre de réaliser d’importantes économies et de faciliter les activités transfrontalières des PME’s.
Cette réponse est insatisfaisante à de nombreux égards.
Premièrement, si la réduction de la charge administrative est une priorité absolue, force est de constater que le coche est loupé : les obligations déclaratives sont toujours plus nombreuses pour les assujettis, de même que les obligations en termes de formalisme (notification préalable, déclarations, formulaires, en tout genre, nécessité de justifier très précisément de pourcentages particuliers relatifs au droit à déduction, obligations de tenir une caisse enregistreuse pour certains, délai de conservation des documents porté à dix ans…).
Ensuite, l’adoption du régime OSS Union démontre certes la volonté de nos dirigeants d’adapter les règles en matière de TVA aux activités de commerce électronique transfrontière. La pratique démontre pourtant que le régime est extrêmement compliqué à mettre en œuvre, tant pour les assujettis que les administrations fiscales, avec des conséquences financières lourdes pour les assujettis concernés.
De même, l’application du régime de la franchise de la TVA contient elle aussi ses différents écueils, avec la nécessité de respecter un double seuil (25.000 EUR en Belgique, 100.000 EUR dans l’Union Européenne) et… d’opérer une notification préalable, cette notification étant une condition de fond d’application du nouveau régime de la franchise de la TVA qui entrera en vigueur le 1er janvier 2025.
Troisièmement, l’adoption du projet ViDA n’a pu être concrétisée en raison du véto de l’Estonie… précisément pour protéger ses PME’s. L’un des arguments avancés était notamment la disproportion de la charge administrative et des coûts que celle-ci entraine pour les PME’s.
Enfin, le système d’imposition au siège lorsqu’une PME exerce des activités par le biais d’un établissement stable pose son lot de questions, à moins que ne soient établies des règles extrêmement précises et dont l’interprétation est limitée. En effet, l’établissement stable en matière de TVA est un concept gangréné d’insécurité juridique : si les conditions d’existence d’un établissement stable sont définies par le Règlement d’exécution de la directive TVA n°282/2011, il n’en reste pas moins que les États membres ont des intérêts concurrents en la matière (qui percevra la TVA ? et les amendes et intérêts de retard ?) et redoublent de créativité afin de tenter de justifier de l’existence d’établissements stables TVA avec un objectif purement budgétaire : générer plus de recettes fiscales.
Les États membres eux-mêmes vont jusqu’à adopter des positions manifestement illégales, en invoquant des conditions n’existant pas dans la législation, afin de justifier l’existence d’un établissement stable TVA (voyez nos articles sur l’affaire Cabot Plastics Belgium et Adient SA). Il convient également de noter que notre Ministre a annoncé une vague de contrôles fiscaux relative aux établissements stables TVA, afin de vérifier « si les entreprises ne mettent pas en place des montages purement artificiels visant fragmenter les activités entre plusieurs entités même juridiquement indépendantes ».
Si cette position semble juridiquement logique du point de vue des impôts directs, il en va différemment en matière de TVA, a fortiori lorsque la localisation des prestations de services se fait non pas en fonction de montages dits « artificiels », mais bien en application des règles de localisation prévues par la directive TVA. Nous avons déjà pointé du doigt la nécessité pour l’administration de revoir sa copie en la matière.
En conclusion, les déclarations de bonnes intentions sont nombreuses, mais la réalité du terrain est toute autre.
En l’absence d’une réelle initiative cohérente de la part de nos dirigeants, il appartient aux assujettis d’être aussi prudents que possible.
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Cabinet d’avocats Aurélie Soldai – Avocats au Barreau du Brabant Wallon – Experts en TVA