La Cour de Justice de l’Union Européenne a, le 13 juin 2024, eu l’occasion de clarifier encore un peu plus la notion d’établissement stable TVA.
Dans l’affaire en cause, une société allemande transférait des biens en Roumanie afin que le prestataire de services – une société roumaine du même groupe – transforme lesdits biens (contrat de toll manufacturing). Les biens étaient ensuite vendus par la société allemande, tant à l’étranger qu’en Roumanie.
L’administration fiscale roumaine arguait de ce que la société allemande disposait d’un établissement stable en Roumanie, au motif que :
- La société allemande a la mainmise sur le personnel et les moyens techniques de la société roumaine et sur ses moyens de production ;
- Les services fournis par la société roumaine servent économiquement à la réalisation de l’activité de livraison de biens par la société allemande ;
- Des services accessoires au toll manufacturing sont fournis par la société roumaine.
Un autre indice pris en considération par le fisc roumain était l’appartenance desdites sociétés à un même groupe de sociétés.
La Cour de Justice s’est prononcée en ce sens que :
- Le seul fait que deux sociétés appartiennent à un même groupe ou qu’elles soient liées par un contrat de prestations de services ne suffit pas à caractériser l’existence d’un établissement stable ;
- Le fait que les services du prestataire servent in fine à permettre au bénéficiaire d’effectuer des livraisons de biens n’est pas pertinent afin d’établir l’existence d’un établissement stable. Il en est de même s’agissant de la circonstance que le bénéficiaire dispose dans l’État membre du prestataire d’une infrastructure permettant d’effectuer des livraisons de biens ;
- Les mêmes moyens humains et techniques ne peuvent être utilisés à la fois pour prester ET recevoir des services ;
- Les moyens humains et techniques affectés à la réalisation d’activités préparatoires ou auxiliaires ne peuvent fonder l’existence d’un établissement stable.
En l’occurrence, l’enjeu pour la Roumanie était de percevoir un gain équivalent aux amendes et intérêts de retard infligés à l’assujetti (puisque l’éventuelle TVA due aurait été déductible).
Étant donné que l’assujetti faisait partie d’un groupe « mondial » actif dans le domaine de la fabrication de sièges pour véhicules automobiles, l’on ne peut qu’imaginer l’enjeu colossal de cette affaire.
A cet égard, il convient de noter que les arguments invoqués par l’administration fiscale roumaine étaient, entre autres, invoqués par l’administration fiscale belge… et avaient été rejetés par la Cour dans l’affaire Cabot (voyez notre note sur le sujet ici et l’article de Mes Soldai et Tourmous ici).
L’objectif des administrations fiscales ne devrait-il pas être la juste application de la loi fiscale, plutôt que la recherche de la maximisation des recettes fiscales en dépit des conditions légales strictes listées dans la jurisprudence de la Cour de justice et la législation TVA ?
En tout état de cause, le concept d’établissement stable suscite une grande insécurité juridique.
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Cabinet d’avocats Aurélie Soldai – Experts en TVA
Avocat au Barreau du Brabant Wallon
Arrêt disponible ici.