Le 4 mai 2023, la Cour de Justice de l’Union Européenne a rendu un arrêt concernant le traitement TVA de « Location d’outillages et de machines fixés à demeure dans le cadre de l’affermage d’un bâtiment agricole ».
Pour rappel, la Directive TVA exonère de TVA les mises à disposition passives de bâtiments. La location d’outillages et de machines fixés à demeure n’est, quant à elle, en principe, soumise à la TVA.
1- Le contexte
En Allemagne, dans le cadre d’un bail à ferme, un assujetti a donné en location un bâtiment servant à l’élevage de dindes, en ce compris les machines et outillages fixés à demeure.
Ces machines et outillages étaient spécifiquement adaptés à l’usage du bâtiment en vue de l’élevage de dindes, et comprenaient notamment : un convoyeur industriel à spirale servant à alimenter les dindes, un système de chauffage, de ventilation et d’éclairage maintenant une température et une luminosité appropriée au stade de croissance des dindes.
Le bailleur percevait un loyer unique pour la mise à disposition du bâtiment et des machines, et considérait que toute la prestation était exemptée de la TVA au titre de location immobilière. L’administration fiscale allemande n’était pas de cet avis, et estimait que la prestation d’affermage devait être soumise à la TVA pour la partie se rapportant aux outils et machines en cause.
2- La problématique et la position de la CJUE
En définitive, faut il traiter la mise à disposition du bâtiment et de l’outillage comme une prestation économique unique ou comme deux prestations distinctes, suivant leur propre traitement TVA ?
Si, en principe, chaque opération doit être considérée comme indépendante et suivre son propre traitement TVA, une opération unique composée de prestations distinctes ne doit pas être artificiellement décomposée afin de ne pas altérer la fonctionnalité du système de la TVA (point 29 de l’arrêt).
Il existe une prestation unique lorsque plusieurs éléments ou actes fournis par l’assujetti au client sont si étroitement liés qu’ils forment, objectivement, une seule prestation économique indissociable, dont la décomposition revêtirait un caractère artificiel (affaire C-907/19). Il en va de même lorsqu’une prestation accessoire se rattache à une prestation principale.
En outre, la Cour a déjà admis que des prestations de services accessoires à une location immobilière pouvaient constituer une opération économique unique (arrêts C-392/11 et C-17/18).
Le fait que les exonérations de TVA doivent être interprétées de manière stricte n’est pas de nature à infirmer ces principes : la conclusion inverse reviendrait à soumettre les différents éléments d’une prestation unique à des taux de TVA différents, ce qui altérerait la fonctionnalité du système de TVA.
En l’espèce, nous sommes en présence d’une mise à disposition d’un bâtiment en vue de l’élevage de dindes, ainsi que d’outillages fixés à demeure au sein de ce bâtiment, spécifiquement en vue de l’élevage, le contrat étant conclu entre les mêmes parties et donnant lieu à une rétribution unique.
Même si la Cour ne le dit pas expressément, il s’agit évidemment d’indices permettant de déterminer si l’on se trouve en présence d’une opération économique unique, ou non. Il appartient à la juridiction de renvoi de se prononcer en fait sur cette question.
En tout état de cause, si tel devait être le cas, la Cour en conclut que la mise à disposition de machines fixées à demeure en même temps que le bâtiment auquel elles se rapportent est susceptible d’être qualifiée d’opération économique unique, exemptée de la TVA pour le tout.
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Cabinet d’avocats Aurélie Soldai
Avocats au Barreau du Brabant Wallon
Source: Affaire CJUE C-516/21 du 4 mai 2023