Le 7 septembre 2023, la Cour de Justice de l’Union Européenne a rendu un arrêt relatif à un remboursement de TVA sur la base des principes de neutralité fiscale et d’effectivité.
Un assujetti agriculteur allemand avait acheté du bois au taux normal de la TVA (19% à l’époque) et avait revendu ledit bois à ses propres clients, mais en appliquant un taux réduit de 7%. Le fisc arguait qu’en réalité, le taux normal de 19% était applicable sur la revente et a réclamé le différentiel de TVA (12%).
A l’issue d’une procédure en justice, la juridiction allemande avait considéré que le taux réduit s’appliquait non seulement à la revente par l’assujetti agriculteur, mais aurait aussi dû s’appliquer en amont, sur les achats de bois que celui-ci avait réalisé.
Il en a résulté que le droit à déduction de l’assujetti pour les achats en cause a été revu à la baisse, en proportion de la réduction du taux applicable aux achats de biens initiaux. L’assujetti a tenté d’obtenir de ses fournisseurs une rectification des factures ainsi que le remboursement du trop payé de TVA. Pour des raisons de prescription, les fournisseurs ont refusé.
Dans ces conditions, l’assujetti était-il en droit de se retourner contre l’administration fiscale afin de se voir rembourser le trop payé de TVA à ses fournisseurs, alors que les fournisseurs ont eux-mêmes la possibilité de rectifier les factures et, par conséquent, d’obtenir un remboursement de TVA ?
La ratio legis d’une telle question est d’éviter que l’administration ne doive rembourser deux fois une même TVA.
La Cour rappelle que le mécanisme de la déduction est fondamental dans le système de TVA et ne saurait en principe ni être limité, ni être rendu excessivement difficile par la législation des États membres. La déduction vise à soulager l’entrepreneur du poids économique de la TVA.
Toutefois, la déduction / le remboursement de TVA peut être refusé en cas de pratique abusive, sous la démonstration de deux conditions :
- Malgré la réunion formelle des conditions prévues par les dispositions pertinentes de la législation TVA, les opérations ont pour résultat l’obtention d’un avantage fiscal dont l’octroi serait contraire à l’objectif poursuivi par ces dispositions ;
- Il doit résulter d’un ensemble d’éléments objectifs que le but essentiel des opérations en cause se limite à l’obtention de cet avantage fiscal.
En l’espèce, aucune fraude ni aucun abus que ce soit ne saurait être imputé à l’assujetti agriculteur, et les fournisseurs de ce dernier refusent unanimement d’opérer quelque correction ou remboursement que ce soit.
Dans ces circonstances, le principe d’effectivité implique que l’assujetti dispose du droit de se retourner contre l’administration fiscale afin de récupérer le trop-payé de TVA et les intérêts y afférents.
S’agissant du risque que les fournisseurs en amont demandent a posteriori le remboursement de la TVA, la Cour n’aperçoit pas en quoi ceci justifierait de refuser le remboursement à l’assujetti agriculteur dans la mesure où :
- Certes, il existe un trop payé de TVA et les fournisseurs seraient en droit de revendiquer le remboursement dudit montant ;
- Toutefois, en raison du refus de remboursement et de régularisation persistant des fournisseurs, il convient de considérer que si ces derniers introduisent une demande de remboursement auprès de l’administration fiscale, après qu’un remboursement soit accordé à l’assujetti agriculteur, une telle demande n’aurait d’autre but que l’obtention d’un avantage fiscal (i.e. le remboursement), ce qui est contraire au but poursuivi par le principe de neutralité fiscale. Dans ces circonstances, il s’agirait d’une pratique abusive, et le remboursement devrait alors être refusé aux fournisseurs.
Par conséquent, le risque de double remboursement est neutralisé, et il incombe aux autorités de rembourser à l’assujetti agriculteur le trop payé de TVA ainsi que les intérêts y afférents.
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Le cabinets d’avocats Aurélie Soldai – Avocats au Barreau du Brabant Wallon
Source: Arrêt : CJUE, affaire C-453/22, consultable ici.