Délai de prescription étendu – notification des indices de fraudes
Lorsque l’administration de la TVA entend appliquer le délai de prescription de 7 ans (et 10 ans, dans certaines circonstances, au 1/01/2023), elle doit notifier préalablement les indices de fraude à l’assujetti sous peine de nullité (art. 81bis et 84ter CTVA).
La question s’est posée de savoir en quoi doivent consister lesdits indices. Il ne doit pas s’agir d’une preuve absolue ni même à l’inverse d’une supposition.
La Cour d’Appel d’Anvers s’est récemment prononcée sur le sujet.
Les faits
Une ASBL exploitait un centre sportif et vendait des compléments alimentaires. Elle se considérait comme une assujettie exemptée de TVA en vertu de l’article 44 § 2, 3° du Code de la TVA (exploitation d’une infrastructure sportive).
A l’occasion d’un contrôle TVA, l’administration a estimé qu’en raison de la réalisation d’un but lucratif, l’ASBL ne pouvait prétendre à l’emption TVA et devait, par conséquent appliquer la TVA.
Dans ce cadre, l’administration fiscale a notifié l’extension du délai de prescription afin de taxer les 7 dernières années (au lieu de 3) et a appliqué 200% d’amendes.
Arrêt de la Cour d’Appel d’Anvers du 17 mai 2022
En appel, l’ASBL a contesté l’application du délai « extraordinaire » de prescription et considère que la TVA due pour les années allant au-delà de 3 ans n’est pas due en raison de la prescription.
Selon l’ASBL la non-soumission à la TVA ne résulte aucunement d’une intention d’éluder la taxe ou même de la mauvaise foi.
Dans sa notification, l’administration a énuméré des faits sans préciser la base sur laquelle la fraude fiscale était présumée.
En guise d’exemple, la notification indiquait que l’ASBL avait demandé à ses fournisseurs étrangers de ne pas appliquer de TVA sur leurs livraisons de biens à son profit, car elle n’était pas assujettie à la TVA.
Il y a intention frauduleuse lorsque l’infraction est commise dans l’intention d’obtenir un avantage indu pour soi-même ou pour un tiers, généralement au détriment d’un individu ou de la collectivité. Il y a intention de nuire lorsque l’infraction est commise avec l’intention de causer un préjudice, même sans que la personne concernée ne tire un quelconque avantage de son acte. Dans le domaine fiscal, il s’agit principalement d’actes commis avec une intention frauduleuse, l’avantage illicite recherché étant généralement l’impôt éludé.
Le fait que l’intention doive être frauduleuse a pour effet que les infractions qui trouvent leur origine uniquement dans des négligences ordinaires, des erreurs matérielles, des inexactitudes commises de bonne foi, etc. ne permettent pas lorsqu’elles sont notifiées d’étendre le délai de prescription.
Ainsi, l’absence de demande de numéro de TVA, la réalisation d’un chiffre d’affaires et l’absence de déclaration de celui-ci ne suffisent pas à présumer de l’intention frauduleuse de la partie défenderesse.
Sur cette base l’ASBL a obtenu gain de cause.
Commentaire
La notification préalable au redressement de TVA durant la période supplémentaire est prescrite à peine de nullité.
La notification des indices de fraude, dans le cadre de l’extension du délai de prescription, doit être suffisamment précise.
À cet égard, les faits et les constatations de fraude doivent être décrits.
Dans l’hypothèse où l’administration entend appliquer le délai extraordinaire, il convent d’être particulièrement attentif aux termes de la notification et à la justification de ceux-ci.
Rappelons, enfin, qu’en matière de TVA, depuis le 1er janvier 2023, un nouveau délai de prescription étendu de 10 ans est entré en vigueur (nouvel art. 81bis al. 1, 4° du CTVA).
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Aurélie Soldai
Avocate au Barreau du Brabant Wallon
Source : Cour d’appel – Anvers – Arrêt du 17 mai 2022 – Rôle n° 2021/AR/208