Action en restitution : l’arrêté royal n° 4 sur le grill…
La présente contribution est un résumé de notre article « Action en restitution, l’impossible prescription ? », R.G.F.C.P., 2020/2, pp. 7-16, disponible sur Kluwer, la Revue Générale de Fiscalité de Comptabilité Pratiques
1. Principes
Le droit à déduction constitue la pierre angulaire du système de la TVA dans la mesure où elle en garantit sa neutralité pour l’assujetti.
Très concrètement, l’assujetti disposant d’un droit à déduction intégral – soit l’assujetti n’effectuant aucune opération exemptée par l’article 44 du Code de la TVA – est autorisé par la législation TVA à ne verser au Trésor que la différence entre la TVA perçue de ses clients sur ses opérations à la sortie et la TVA qu’il a lui-même supporté à l’entrée sur les biens et services utilisés pour fournir ses prestations.
La différence est ensuite reportée par l’assujetti en grille [71] ou [72] de sa déclaration périodique, selon que le solde soit dû à l’État ou à l’assujetti.
En cas de solde en faveur de l’assujetti (grille [72]), celui-ci n’est pas immédiatement remboursé à l’assujetti mais est automatiquement reporté à la période de déclaration suivante.
2. Remboursement
Le remboursement est régi par l’arrêté royal n° 4 qui prévoit, pour les assujettis nationaux, quatre hypothèses de « restitution » qui ne peuvent intervenir qu’à des moments bien précis, soit annuellement, soit à la fin d’un trimestre, soit mensuellement et pour autant que les montants reportés dépassent certains seuils.
3. Prescription
L’action en restitution s’exerce dans les faits via la déclaration périodique en cochant la case ad hoc de demande de restitution. Toute demande intervenant en dehors des périodes ou n’atteignant pas le seuil est tout simplement non avenue.
L’article 82bis du Code de la TVA prévoit une prescription particulière puisque « la prescription de l’action en restitution de la taxe, des intérêts et des amendes fiscales est acquise à l’expiration de la troisième année civile qui suit celle durant laquelle la cause de restitution de ces taxe, intérêts et amendes fiscales est intervenue ».
Or, l’administration fiscale estime qu’une action en restitution exercée via le dépôt pour le 20 janvier suivant le 31 décembre de la troisième année de la cause de restitution est… prescrite !
En conséquence, dans les faits, un assujetti ne pourra ultimement exercer son action en restitution qu’à travers sa déclaration du troisième trimestre de la troisième année qui suit celle au cours de laquelle la cause de restitution s’est produite, à déposer au plus tard le 20 octobre de celle-ci. Il est donc impossible pour l’assujetti d’exercer son action en restitution au-delà de ce délai, le système INTERVAT n’acceptant (par exemple) pas le dépôt d’une déclaration au 31 décembre puisque – pour le système – la période n’est pas terminée.
4. Que conclure de tout ceci ?
Le législateur a prévu une limite temporelle explicite à l’article 82bis du Code de la TVA : elle doit être exercée au plus tard le 31 décembre de la troisième année suivant la cause de restitution.
Si le Code de la TVA prévoit que cette action se prescrit à l’expiration de la troisième année, le Roi ne peut pas prévoir un système entrainant une prescription de l’action préalablement à ce délai. Or, comme relevé, l’action en restitution se prescrit toujours dans les faits le 20 octobre de cette fameuse troisième année.
Le Roi a donc nécessairement violé la délégation que lui conférait le Code de la TVA en adoptant un arrêté royal illégal car contraire à la loi.
Face à une norme réglementaire illégale, le juge ne peut qu’écarter son application par application de l’article 159 de la Constitution.
Se pose dès lors la question de la prescription de l’action en restitution. En application de l’article 2262bis du Code civil, toute action personnelle se prescrit par un délai de dix ans et ce délai nous semble devoir s’appliquer.
5. Perspectives
Récemment, la légalité de l’Arrêté royal n° 4 fut contestée devant la Cour d’appel de Bruxelles.
Par six arrêts du 3 décembre 2019, la Cour d’appel a estimé qu’un délai prévu par l’Arrêté royal n° 4 était contraire à la prescription prévue par le Code de la TVA et, partant, a décidé d’écarter son application en application de l’article 159 de la Constitution.
Ces arrêts concernaient des assujettis non établis dans l’UE pour lesquels l’arrêté royal n° 4 impose que l’action en restitution doit être exercée via une demande introduite « au plus tard le 30 septembre de l’année civile qui suit la période relative à la demande de restitution ».
Si ces arrêts concernaient un cas plus évident de contrariété au Code de la TVA, il n’empêche que la Cour valide dans le principe notre raisonnement.
En conséquence, l’assujetti aura systématiquement intérêt à solliciter la restitution de son crédit TVA en invoquant l’illégalité de l’arrêté royal n° 4 et, le cas échéant, à porter le litige en justice.
Vous avez subi un contrôle TVA, l’administration fiscale a rejeté la TVA votre crédit TVA au motif que la restitution de celui-ci était prescrite? Contactez nous!
Aurélie Soldai
Alexander Vandendries